La nouvelle loi sur la Santé au Travail entre en vigueur ce 31 mars 2022. Quelles sont les nouvelles obligations des employeurs ? Quels rôles devront jouer les services de prévention et de santé au travail auxquels ils adhérent ? Tour d’horizon des principales mesures.
Ne plus dire « service de santé au travail », mais « service de prévention et de santé au travail » (SPST). Derrière ce petit changement de nom, l’État promet un « changement de paradigme ». Le secrétaire d’État en charge de la Santé au travail, Laurent Piétraszewski, avec lequel l’AIPALS a pu s’entretenir, assure d’une « transformation en profondeur. L’ambition est de passer d’une démarche centrée sur l’individu et son aptitude/inaptitude, à une démarche collective de prévention ».
Pour cela, le Document Unique d’Évaluation des Risques Professionnels (DUERP), parfois boudé par les chefs d’entreprises, devient un élément central. « Il devra maintenant contenir un plan d’actions, avec un calendrier de mise en œuvre, qui devra être déposé sur un portail numérique », précise la directrice de l’AIPALS, Diane Laruel. Pour les entreprises de plus de 50 salariés, il s’agira d’un véritable programme annuel avec la liste détaillée des mesures devant être prises et un calendrier ; pour les TPE-PME, une définition des actions de prévention et de protection suffira.
Me Aurélie Aurouet-Himeur
Avocate en droit de la Sécurité sociale et dommages corporels.
« L’axe de la prévention est martelé dans cette nouvelle loi, ce qui va dans le sens d’une meilleure protection des salariés. Certaines évolutions sont intéressantes comme l’idée du « passeport prévention » qui devra regrouper toutes les formations suivies par le travailleur. C’est une façon aussi pour lui de s’investir dans son parcours et de ne plus « subir » des formations. Le salarié est également incité à solliciter davantage les services de prévention et de santé au travail. À tort, il pense encore trop souvent que ce sont les interlocuteurs des employeurs.
Le salarié doit pouvoir savoir qu’il peut saisir le service de santé dès qu’il a un besoin ou une difficulté ».
Repérage précoce
Les services de prévention et de santé au travail devront tous proposer une aide concrète pour le remplir facilement. « Beaucoup de petites entreprises n’ont pas le personnel pour rédiger ce type de document », reconnaît le secrétaire d’État en évoquant sa mère qui était ébéniste dans le Nord avec deux salariés. « Désormais les chefs d’entreprises ne seront plus seuls face à la page blanche. » La formation des salariés devra faire partie de ces actions de prévention avec la création, pour tout travailleur, d’un « passeport prévention » qui collectera toutes les formations suivies sur la santé et la sécurité au travail.
Offre commune sur le territoire
Autres nouveautés importantes : la visite de mi- carrière (réalisée durant l’année civile des 45 ans, par le médecin du travail ou l’infirmière en santé au travail) et le « rendez-vous de liaison » lors d’arrêts de travail longs, au cours duquel l’employeur devra informer le salarié des actions de prévention de la désinsertion professionnelle dont il peut bénéficier, ainsi que des visites de pré-reprise plus précoces. « Tout ceci va dans le sens d’un repérage précoce des difficultés pour éviter l’inaptitude et le licenciement », explique le Professeur de médecine du travail, Sophie Fantoni-Quinton, ancienne conseillère du gouvernement sur ce sujet, qui a accepté de répondre aux questions de l’AIPALS. « Ces rendez-vous doivent permettre de proposer des aménagements de poste ou une réorientation si nécessaire».
« Cette transparence de l’offre ne peut aller que dans le sens d’une meilleure compréhension des enjeux de la prévention. »
Pr Sophie Fantoni-Quinton
En effet, dans la nouvelle loi, l’accent est vraiment mis sur le « maintien dans l’emploi » avec un accompagnement individualisé et la création d’une « cellule pluridisciplinaire de prévention de la désinsertion professionnelle » dans chaque service de prévention et de santé au travail. « Le suivi des travailleurs les plus vulnérables et en difficulté devient central », insiste Diane Laruel, la directrice de l’AIPALS où cette cellule est déjà mise en place depuis plusieurs années.
40 ans
C’est la durée de conservation désormais obligatoire du document unique.
45 ans
C’est l’âge auquel une visite de mi-carrière sera maintenant organisée avec le médecin (sauf autre accord de branche).
5 à 10%
des salariés sont concernés par un risque de « désinsertion professionnelle » (soit 1 à 2 millions de personnes).
Ouverts aux chefs d’entreprises
Toutes ces modifications seront proposées dans une « offre socle » commune à l’ensemble des services de prévention et de santé au travail de France, dont l’accompagnement pouvait être très hétérogène sur le territoire jusqu’ici. La cotisation sera, elle aussi, réglementée afin d’éviter des écarts de prix importants. « Cette harmonisation va dans le bon sens », soutient le Pr Sophie Fantoni- Quinton. « Car certains dirigeants se demandaient “ je cotise pour quoi ? ”. Cette transparence et cette visibilité de l’offre ne peuvent aller que dans le sens d’une meilleure compréhension des enjeux de la prévention. Dans cette offre socle, il y aura aussi une obligation de conseils, ce qui était loin d’être systématiquement le cas jusqu’ici. »
Le secrétaire d’État en charge de la réforme y voit aussi une plus grande « opérationnalité ». « J’ai souvent entendu les chefs d’entreprises dire : “ Qu’est-ce que nous apporte la santé au travail ? ”. Eh bien un service personnalisé, de qualité et homogène que l’on soit du Nord ou du Sud. », témoigne Laurent Piétraszewski. « Il y a une obligation d’accompagnement ». Les services proposés pourront aussi faire l’objet d’une offre complémentaire, à la carte, avec d’autres professionnels de santé (ergonome, psychologue du travail, ingénieur prévention, etc.). Tout ceci sera ouvert – et c’est une autre innovation – aux chefs d’entreprises eux-mêmes (même non- salariés) s’ils en font la demande, ainsi qu’aux salariés indépendants. C’était l’une des grandes revendications portées, entre autres, par l’AIPALS. En effet, comment était-il possible de demander aux dirigeants de lancer une démarche de prévention en santé au travail dont ils étaient eux-mêmes exclus ?
Le document unique est une formalité administrative.
Faux.
C’est un document utile que nous cherchons, par la loi, à rendre concret et opérationnel. Il existe aujourd’hui des aides, simples d’utilisation, pour le remplir ; elles doivent se généraliser. L’objectif de ce document est de déboucher sur des actions concrètes à mettre en place pour protéger les salariés.
La nouvelle visite de mi-carrière est l’occasion d’une reconversion.
Vrai et faux
L’idée de départ est de faire le point sur l’état de santé du salarié, de voir si sa situation de travail est adaptée et d’anticiper d’éventuelles difficultés de santé. Cette visite peut donner lieu à une reconversion professionnelle, mais aussi à des aménagements pour rester dans son travail en adaptant le lieu et les comportements. Le but est de ne pas attendre d’être fragile et d’éviter l’inaptitude.
Le « maintien dans l’emploi » est un enjeu de société.
Vrai
Surtout avec l’allongement de la durée de vie au travail. Nous travaillons pour les salariés de plus de 50 ans qui sont aujourd’hui en poste comme pour les nouvelles générations et les jeunes qui démarrent dans la vie active. Notre nouvelle approche, axée davantage sur la prévention des risques que la réparation, est synonyme de protection de leur santé et de leur emploi.